TAIZE - Rencontre européenne Bruxelles 29/12/08-02/01/09

TAIZE
Bruxelles – Paroisse Saint-Lambert
31 décembre 2008

Témoignage de Pierre-Alexandre de Maere d’Aertrycke aux jeunes accueillis à St-Lambert


Bonjour – Goede morgen – Guten Tag - Good morning – Dzien dobry – Dobryi ranok – Laba diena ,

Elle vous plaît la Belgique ? Sachez en tout cas que c’est une grande joie pour les chrétiens de Bruxelles de vous accueillir.

La Belgique, c’est un petit pays, mais au grand cœur, où les habitants sont nombreux à se dévouer au sein d’une grande quantité d’associations : mouvements de jeunesse, associations caritatives locales ou internationales telles que Caritas, la Fondation Damien (un grand saint belge qui a donné sa vie pour les lépreux), mais aussi Handicap International, la Croix Rouge, Médecins sans Frontières, etc.

La Belgique est un pays où le niveau de vie se situe très au-dessus de la moyenne mondiale : nous jouissons d’une paix civile, d’une sécurité sociale, de soins de santé, d’écoles, d’un climat, d’un accès à l’eau potable, d’une sécurité et d’une diversité alimentaire sans beaucoup d’autre égal dans le reste du monde.

Néanmoins, des pauvres existent chez nous aussi. Des personnes qui sont sans emploi, sans logement, sans revenu suffisant pour vivre décemment, qui connaissent la division, l’éclatement de leur famille …, les réfugiés politiques, économiques. Ce sont ceux qui ont été blessés par la vie et ont été laissés pour morts, oubliés sur le bord du chemin. A nous, chrétiens, qui passons sur leur chemin, de nous arrêter, de passer du temps et de partager avec notre prochain ce qui nous a été donné. Il y a suffisamment d’auberges où nous pouvons conduire et soigner, accompagner les plus déshérités de notre société.

C’est ainsi qu’avec un ami, - nous étions alors étudiants, jeunes comme vous -, nous avons été interpellés par les enfants qui étaient dans la rue, dans notre quartier et qui ne partaient pas en vacances. Nous avons alors regroupé quelques amis et nous avons organisé pour ces enfants de la ville des vacances à la campagne. Une nouvelle association est née, qui s’appellera « Vacances pour tous », car nous estimions que tous les enfants avaient besoin de bonnes vacances, où ils pouvaient rencontrer d’autres enfants et des jeunes, des animateurs engagés qui passeraient de bons moments pour eux et avec eux. Nous voulions leur donner ce que tous nous avons : du temps et de l’attention, et si possible de l’affection et même de l’amour. C’est cela aussi, l’amour du prochain. Cette association existe encore aujourd’hui, après plus de 25 ans : chaque année, des dizaines de jeunes organisent ainsi des vacances à la campagne, à la mer, parfois aussi en montagne en France. Chaque fois, enfants et jeunes animateurs reviennent enchantés, touchés les uns par les autres, des larmes coulant des yeux au moment des aux-revoirs. Et comme tout est grâce, quand on donne, on reçoit au centuple : c’est au cours de ces vacances que j’ai rencontré une autre animatrice, merveilleuse, celle qui allait devenir ma femme, Bénédicte ! Un vrai cadeau du ciel, une bénédiction !

Un autre engagement où sont appelés les chrétiens à s’investir et à témoigner, c’est en politique. Le travail dans ce domaine est immense, si l’on veut que la politique redevienne cet engagement pour l’organisation de la cité, de notre pays, de l’Europe qui se construit, avec comme objectif le bien commun, le bien de toute personne, et avec une attention toute particulière pour les plus faibles d’entre nous, pour les plus petits.

Face à l’ampleur de la tâche, aux obstacles, aux difficultés immenses, aux manques de moyens matériels, nous ne pouvons nous résigner à enfouir notre talent sous terre. Au contraire, Jésus nous appelle à développer nos talents, à les faire fructifier. Osons nous engager et devenons ces lumières qui sont faites non pour être cachées sous le boisseau, mais pour éclairer la ville.
Ces jours-ci, c’est ce rassemblement de Taizé à Bruxelles, qui est une véritable lumière de Noël qui illumine notre ville par votre présence, par votre témoignage, votre foi en Dieu.

En politique aussi, chacune et chacun d’entre vous peut être cette lumière qui interpelle nos concitoyens, les médias, les autres politiciens ou les partis politiques.

Il y a quelques années, notre grand Roi Baudouin nous a montré l’exemple de l’engagement véritable au niveau politique, particulièrement dans la défense de la vie des plus petits, lorsqu’il était prêt à renoncer au trône plutôt que de devoir signer une loi qui allait autoriser l’avortement.
Et il y a quelques jours, c’est le Grand-Duc du Luxembourg, neveu du Roi Baudouin et chrétien convaincu également, qui a refusé de signer une loi qui ouvre la porte, elle, à l’euthanasie. Ce qui a eu pour conséquence immédiate une restriction fondamentale de son pouvoir législatif.
Voici deux chefs d’Etat qui ont agi en chrétiens, se mettant au service du respect de la vie et donc au service des plus fragiles, des plus faibles de notre société. Ils ne se sont pas donné de bonnes excuses pour se maintenir à tout prix au pouvoir. Leur conscience a été plus grande et plus forte. Ils sont devenus ces témoins qui rendent gloire au Créateur, à la source de toute vie.

Mais être signe d’Espérance, être témoin, ou « veilleur » comme dirait Daniel-Ange, cela n’appartient pas qu’aux chefs d’Etats.
Nous, vous, les jeunes du XXI siècles, nous pouvons en être également. Et sans doute aujourd’hui encore plus que jamais, en ces temps de crise que traversent les Etats-Unis, l’Europe et le reste du monde. Une crise pas seulement financière ou économique, mais une crise de civilisation. Je suis convaincu que l’humanité est en attente d’une nouvelle civilisation, celle qu’appelait Jean-Paul II de ses vœux, « la civilisation de l’amour ».
Saisissons cet appel au changement qui nous est lancé d’ouest en est ! « N’ayons pas peur » de nous lancer pour bâtir cette nouvelle civilisation. « Yes, we can ! » Chacun, là où nous sommes, dans le pays où nous vivons. Là où nous sommes envoyés, comme les apôtres, qui ont été envoyés, deux par deux. Et ils n’étaient que douze ... pour toute la terre ! Remplis de l’Esprit-Saint, ils sont sortis du cénacle.

En 2002, le week-end de Pentecôte, avec 6 autres personnes, nous avons lancé en Belgique un nouveau parti politique clairement identifié d’inspiration chrétienne, les « Chrétiens Démocrates Fédéraux », parce qu’il n’existait plus de telle formation politique dans toute une partie de notre pays. Pour beaucoup, dans notre pays, la foi doit être reléguée strictement dans le domaine de la vie privée. Dès lors, aucun autre parti politique ne défendait plus les valeurs qui sont les nôtres. Essentiellement dans les matières éthiques, telles que le respect de la vie, la promotion, le soutien de la famille, où l’homme et la femme sont appelés à s’unir dans la fidélité et prêts à accueillir la vie à leur tour. Des écoles de qualité pour tous, où chaque jeune peut développer ses talents et recevoir librement l’éducation, chrétienne notamment, souhaitée par ses parents et par lui-même. Une économie au service de l’homme et non l’être humain soumis aux lois du marché, d’une économie ultra-libérale où seul compte une maximisation du profit. Un développement équilibré et respectueux d’une terre qui n’est que confiée à l’homme d’aujourd’hui et aux générations suivantes. Des sociétés solidaires les unes des autres, du nord au sud, où les richesses et les connaissances doivent être partagées en vue du bien-être du plus grand nombre. Et enfin une manière de faire de la politique qui soit totalement différente de ce que nous connaissons : la politique au service des citoyens et non la politique pour se servir soi-même. Un projet de société qui ait une vision d’avenir à long terme, qui soit fondée sur le roc, qui n’ait pas peur de dénoncer ce qui est mauvais, mais qui ait aussi le courage de proposer et d’affermir ce qui est bon, ce qui respecte la dignité de toute personne.
Faire de la politique dans un esprit de service, promouvoir une société réellement démocratique, libre et responsable, attentive à toute personne, au-delà d’un mur de Berlin ou d’une frontière linguistique, ethnique et fondées sur les valeurs évangéliques : tel est le projet politique que nous avons décidé de relancer en Belgique. Nous sommes encore un très petit nombre, mais notre influence est néanmoins réelle, plus importante que notre nombre d’élus. Ce projet s’inscrit dans un autre, à l’échelon européen, où plusieurs partis et mouvements politiques d’inspiration chrétienne s’unissent : l’ECPM, l’European Christian Political Movement, dont font d’ailleurs aussi partie quelques nouvelles formations chrétiennes d’Europe centrale.
Des chrétiens restent donc encore veilleurs et engagés en politique, dans tous les pays de notre continent.

Voilà, parmi beaucoup d’autres, un bien humble témoignage que je voulais vous partager, pour vous encourager et vous dire que lorsque l’on est habité par la foi, quand on est habité par l’Espérance, si nous entendons un appel et que nous acceptons d’y répondre, nous pouvons devenir ces nouveaux bâtisseurs du XXI-ème siècle. Ce n’est qu’un témoignage parmi d’autres : les familles qui vous accueillent, les paroissiens et les jeunes que vous rencontrez ces jours-ci et qui se dévouent dans d’autres associations, des mouvements de jeunesse, dans les célébrations, dans la catéchèse, la visite des malades, dans leur métier, leur famille ont encore de bien belles pages à vous raconter.